Petite Géographie Vagabonde - 12 de Martine Gasnier

Mouchette Par Le 17/08/2020

Dans Blog des auteurs de Zinédi

Est-ce d’habiter rue des Quatre Vents qui rendait Blaise si léger ? Il traversait la vie, porté par une insouciance dont il avait fait son signe distinctif. Il était ainsi parvenu à accorder aux autres un intérêt factice, juste pour se rendre aimable, veillant à ne jamais se laisser surprendre par un attachement inopportun. Il répondait aux invitations les plus diverses avec le même empressement, c’est-à-dire la même indifférence qui lui faisait confondre vulgarité et élégance. Il gaspillait ainsi son temps entre propos vaniteux et bulles éphémères. Sa présence, recherchée par tous, était devenue indispensable à la réussite des soirées dont la répétition aurait fini par engendrer l’ennui. Séducteur impénitent, il soulevait chez les femmes un enthousiasme que lui enviaient les maris sans panache. Pour ne déplaire à aucune, il les flattait toutes, entraînant les plus jeunes, au volant de son cabriolet, vers une plage à la mode, accompagnant les plus vieilles, en taxi, à l’opéra, protecteur un jour, gigolo un autre mais seulement comme au cinéma. Lorsque, tard dans la nuit il regagnait sa demeure, il ressentait le bonheur du devoir accompli. Ses interlocuteurs, conquis d’avance, s’étaient montrés ravis de sa compagnie. On avait loué son esprit, on comptait sur lui pour une prochaine fois et son cœur n’avait pas pris une ride.

Martine Gasnier vous livre chaque lundi un des treize textes formant sa « Petite géographie Vagabonde ».
© Martine Gasnier, juin 2020

martine gasnier