Petite Géographie Vagabonde - 5 de Martine Gasnier

Mouchette Par Le 29/06/2020

Dans Blog des auteurs de Zinédi

Avenue de la gare, dans un de ces mornes immeubles noircis par une urbaine pollution, vivait Thomas. Il avait choisi cet endroit, non pour ce qu’il était, plutôt laid, mais pour ce qu’il représentait : la possibilité de voyages infinis. Petit, déjà, à l’école, il s’égarait dans les méandres des fleuves, et haletait au pied des sommets qu’il gravirait un jour. Il aimait ces cartes murales qui l’invitaient à l’évasion et rendaient plus feutrée la voix impérieuse du maître d’école. Il bâtissait ainsi, peu à peu, un royaume dont il serait l’héroïque aventurier. Quand son enfance s’acheva, il n’avait pas bougé de chez lui où des parents, peu curieux du monde, le maintenaient, mais il savait qu’il partirait bientôt et pour être tout à fait sûr, il avait opté pour le voisinage du chemin de fer. Chaque jour il retrouvait le hall où des êtres portant bagages se croisaient, se séparaient dans la tristesse ou se retrouvaient dans la joie. Lui, contemplait les tableaux des départs avec fièvre, sans vraiment élire une destination précise, toutes revêtaient pour lui le même charme et sonnaient à ses oreilles avec une poésie de lui seul appréciée. Dans son imagination, Verdun se confondait avec Nice, Roubaix avec Marseille, les noms qui s’allumaient étaient tous également promesses de bonheur. Il suffisait qu’il réunît quelques effets dans son sac de toile de baroudeur et qu’il prît un ticket pour l’inconnu. Il le ferait demain très certainement quand il aurait enfin renoncé à ce qui le retenait encore prisonnier.

Martine Gasnier vous livre chaque lundi un des treize textes formant sa « Petite géographie Vagabonde ».
© Martine Gasnier, juin 2020

martine gasnier